5 Hectares
Cinéma
2024-01-07
5 hectares est une comédie qui parle d'un bobo parisien qui a décidé d'acheter une petite ferme à la campagne. Le film se passe dans le limousin semble-t-il, et il reprend beaucoup de clichés. D'abord, Franck, joué par Lambert Wilson, est un chercheur en biologie. Il pense, il sait comment tout fonctionne, mais n'a pas beaucoup d'esprit pratique. Tout ce qu'il sait de la vie à la campagne, il l'a appris dans les livres, et il semble qu'il se soit bien documenté, notamment sur le bail verbal. Dès son arrivée, il est en froid avec son voisin qui veut mettre ses vaches dans son champs, et cela semble-t-il pourrait lui permettre de mettre la main sur le champs sans que Franck ait ensuite la possibilité de le récupérer.
Dans le film, les motivations de Franck sont assez floues. Son projet semble totalement à contre-courant de sa vie actuelle, de son métier, de celui de sa femme, hôtesse de l'air. De plus, tout le monde, dans le village, que ça soit son voisin, la maire ou les gendarmes, tout le monde le prend pour un touriste, et il semble que sa seule réponse soit de vouloir simplement vivre à la campagne. Il n'a aucun projet pour son champs de 5 hectares à part s'assurer que son voisin ne le lui vole pas !
Bien sûr, l'histoire est filmée comme une comédie, et ça se finit plutôt bien, mais en vrai, la situation est décalée. Autant on peut comprendre quelqu'un qui, de manière réfléchie, décide de quitter la ville pour vivre à la campagne ou y construire quelque chose, avec un projet. J'ai un ami qui a décidé d'acheter un morceau de forêt plein de ronces, avec l'ambition, et il y arrive, de construire une maison, des serres, et donc de déboiser puis cultiver son champs. Ce qui manque dans ce film, c'est le projet ou la raison qui le pousse à acheter ce champs et cette maison et de venir y passer ses weekends.
L'histoire se déroule en grande partie avec un objectif : acheter un tracteur. A un moment, sa femme lui demande à quoi ce tracteur va servir, et lui répond clairement : à rien, mais il faut en avoir un, c'est le statut. C'est peut-être là que son projet rejoint sa vie : il a un statut, il est chercheur, dans la vie urbaine, au quotidien, et il cherche un autre statut : faire partie des gens du village. Il ne dit jamais qu'il veut être agriculteur, ou ce qu'il veut être ou faire grâce à ce tracteur, mais il a besoin d'acquérir un statut. Est-ce que c'est en achetant un tracteur qu'il aura un statut ? Ou est-ce simplement le tracteur qui est le statut ? Le tracteur lui coûte 7 000 euros, et il part l'acheter à plus de 100 km de là.
Ensuite, le film se déroule comme un chemin initiatique : le fait d'avoir trouvé un tracteur, et l'aventure qui l'attend pour le ramener chez lui, avec différents obstacles, des épreuves en quelques sortes, fait, en quelques jours, office d'initiation, et à la fin, il devient en quelque sorte l'un des leurs, à travers les épreuves, les rencontres, mais au détriment de sa femme, qui a une vie bien différente et n'a pas participé à tout cela. Je me demande comment elle pourra continuer de vivre avec lui après ce qui s'est passé : ils partent tous les 2 d'une vie urbaine, avec un quotidien bien occupé ; elle aime voyager, prendre l'avion, elle a une vie très contemporaine à l'excès (un idéal contemporain) alors que lui cherche à s'ancrer dans ce village, en parvenant après un gros travail, à passer les épreuves qui vont lui permettre de devenir l'un des leurs, au village. Il finira par passer la nuit avec son voisin à réparer son tracteur, en s'endormant ensemble sous le tracteur.
A aucun moment dans le film on n'est dans sa tête pour comprendre pourquoi il a décidé d'acheter ce terrain, c'est un peu le maillon manquant de ce film. Mais en voyant comment il agit, on comprend que c'est pour se faire une place dans un environnement qui n'est pas le sien. Il s'y est préparé, et il n'est pas près de lâcher. Son projet n'est pas de construire quelque chose, mais c'est de se construire lui-même, peut-être un autre moyen de mener une double vie, l'une contemporaine, et l'autre plus ancrée dans une campagne qu'il apprend à apprivoiser. C'est peut-être pour ça que c'est un bon film, car à travers cet intrus qui arrive un peu la gueule enfarinée dans un nouvel endroit, avec un grand sourire, il arrive petit à petit à se fondre dans cet endroit au fur et à mesure qu'il fait correspondre ce qu'il avait appris à ce qu'il voit, et on comprend à la fin pourquoi il a dit au début à sa femme que ce qui était important, c'était de s'adapter.