Almamula
Cinéma
2024-08-11
Film argentin de Juan Sebastian Torales.
Ce premier long métrage est une histoire personnelle, et en même temps une légende fantastique, dans un contexte assez singulier et en même temps très commun : la présence très forte de la religion et du conservatisme social en Argentine et partout dans le monde.
Nino est un jeune adolescent de 12 ans qui vit un calvaire chez lui, dans la petite ville de Santiago del Estero, au nord de Cordoba en Argentine. C'est la ville natale du cinéaste. Nino est un peu efféminé et cela se remarque, ses camarades de classe et les adolescents du quartier le harcèlent et le battent si bien que sa mère décide d'aller passer les vacances d'été à la campagne, là où travaille son père, dans la forêt.
Il se retrouve en famille avec son père, sa mère et sa soeur. Personne ne le comprends, il est seul, et sa mère décide de lui faire faire sa confirmation dans la paroisse du village. Le prêtre qui organise les courts le trouve très assidu mais quand Nino lui explique ce qu'il ressent, le prêtre le châtie : il l'enferme dans une cabane dans le jardin de l'église, jusqu'à ce que sa mère vienne le chercher.
Près de ce village, il y a une forêt. Il est interdit d'aller dans cette forêt. Nino est un adolescent, que tout le monde rejette, alors il cherche à explorer cette forêt. Dans cette forêt, se trouve l'Almamula. C'est un personnage de légende, créé semble-t-il par l'Eglise Catholique, et bien relayé par le prêtre. C'est une femme qui a eut des relations sexuelles avec son père, son frère, avec des hommes et des femmes, et le prêtre du village. Pour ce pêché charnels, Dieu la condamna en l'envoyant dans la forêt et en la transformant en monstre. Le prêtre en parle, tout le village en parle, même les autres enfants qui préparent la confirmation connaissent la légende.
Nino est intrigué. Tout ce que lui dit le prêtre le mène à penser qu'il n'ira jamais au paradis, et comme il a entendu parler de l'Almamula, il cherche à la rencontrer. Il s'aventure alors dans la forêt, au-delà de la zone autorisée, et découvre ce que fait son père : il prend possession des terres qui n'appartiennent à personne, mais dans lesquelles vivent de nombreux indigènes.
Son père, à ce moment-là, comprends qu'il doit faire quelque chose pour que son fils devienne un homme, mais au lieu de se rapprocher de lui et de l'écouter, il lui fait faire un rituel païen qui s'apparente à la confirmation à laquelle il se prépare, et cela ne lui apporte rien.
Malevo, un homme "noir", qui travaille pour la famille en faisant des petits travaux dans la maison, ne laisse pas sa mère indifférente. Il ne laisse pas non plus Nino indifférent, et Nino cherche à s'en rapprocher, en allant voir où il habite et en allant pêcher avec lui dans la rivière. C'est là que Malevo, qui semble comprendre le mal-être de Nino, lui explique que "le pêché n'existe pas, c'est une invention pour enfermer les gens." et il lui dit "libère-toi !".
Nino comprend alors qu'il peut vivre, et le jour de sa confirmation, il fait ce qu'il veut et va rencontrer l'Almamula dans la forêt.
Je trouve ce film magnifique : d'abord, c'est une histoire que le cinéaste a vécu, peut-être pas dans son intégralité, mais c'est une histoire qui reflète l'esprit que le cinéaste a voulu montrer, de son enfance dans ce village.
Ensuite, cette histoire, liée à l'homosexualité et la religion me parle. Comme Juan Sebastian Torales le dit dans une interview disponible dans le dossier de presse, il explique que la mère de Nino est tellement dans la religion, elle en dépend pour être heureuse, et à cause de cela, elle n'est plus connectée à la réalité, aux sentiments de son fils. Elle vit dans un monde différent, qui est comme une utopie ou une dystopie, où les vraies personnes, leurs sentiments et leurs identités sont remplacées par leur version idéalisée. Bien sûr, c'est le cas pour nous tous : quand on connaît quelqu'un, on pense à cette personne, de la manière dont on l'imagine, pas forcément à la personne qu'elle est vraiment, mais le cinéaste montre ici que la religion, et toute forme de dogmatisme nie la réalité des gens, pour les remplacer par un idéalisme inatteignable.
Dans le film, à un moment, Nino demande à sa mère ce qu'est le pêché charnel, et ensuite il lui demande si elle l'a déjà commis, mais elle lui répond que non. C'est faux, on la sent gênée à ce moment-là, et elle abrège la conversation, alors que Nino cherche à parler, il cherche à avancer sur ses démons, mais sa mère ne veut pas lui parler ni même l'écouter. C'est encore un moment où la religion vient contre les relations entre les gens, et malheureusement, le cinéaste le montre, et je l'ai vécu.
C'est aussi un beau film car il a été tourné dans un endroit particulier, en Argentine, dans un endroit qui rend le film authentique. Aussi, Nino joue très bien son rôle, à la fois très compréhensible, et un peu mystérieux, comme cette légende.
Certains disent que c'est un film fantastique et un film d'horreur. La répons du cinéaste est intéressante, car il dit que oui, c'est un film d'horreur, car l'adolescence est une horreur : un enfant se retrouve avec des poils et des boutons, comme un monstre !
Voici la bande annonce :