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Six Pieds sur Terre

Premier long métrage de Karim Bensalah sorti ce jour. Séance avec le cinéaste.


Sofiane est un étudiant en recherche de lui-même. Quand on lui demande d'où il vient, il a du mal à répondre, parfois, il donne une liste de toutes les villes où il a habité, rarement, il dit qu'il vient d'un petit village d'Algérie. Son père est diplomate à la retraite depuis peu, et sa mère est morte depuis quelques années.

Sofiane n'est pas très motivé par ses études, il l'est plus par les soirées, l'alcool et la drogue, (il plane ... 6 pieds au-dessus de la terre). Mais la réalité se rappelle à lui brutalement quand il reçoit un courrier de l'administration lui signifiant une OQLT (obligation de quitter le territoire) sous 30 jours.


Il cherche de l'aide auprès d'une association qui lui explique que la seule solution pour lui est de trouver un travail avec un contrat de travail rapidement. Son père tente de l'aider en appelant un cousin qui dirige une entreprise de pompes funèbres musulmanes près de Lille, et Sofiane s'y rend et commence à travailler.


Le travail est assez inhabituel, et c'est là que le film est beau car il montre les gestes, réalisés dans un rituel, et montre l'aspect spirituel de ce dernier acte de passage de la vie à la mort.

L'histoire de Sofiane est inspiré de personnages réels. Mais c'est avant tout une aventure sur la recherche de son identité dans une famille et avec un mode de vie qui semble détaché de l'encrage territorial. Sofiane a bien un pays d'origine, mais il n'y est pas allé souvent et apprécie bien là où il est.


Au début de l'histoire, Sofiane a du mal à se faire à l'idée de faire la dernière toilette des morts. Il travaille avec El Haj, un homme plus âgé, qui ne parle jamais, surtout pas pour faire la conversation, mais qui fait ce qu'il doit faire, dignement, et avec respect. Sofiane apprend beaucoup de lui, si bien qu'après quelques jours, El Haj ne veut plus travailler avec lui, mais on comprend après que c'est parce qu'il pense qu'il est prêt à travailler seul.


Ce qui est intéressant dans ce film, c'est d'avoir pu montrer, dans une histoire initiatique, en quelque sorte, d'un jeune homme qui cherche à comprendre qui il est et ce qu'il pourrait faire de sa vie, un métier tellement loin des préoccupations du quotidien, un métier de respect, à la fois du mort et des vivants, dans une tradition qui m'est totalement étrangère, dans le respect de chaque personnage.


C'est exactement le type de film que j'apprécie : un film qui permet de découvrir, sans jugement, la vie et les coutumes de personnes que je ne pourrai jamais voir en vrai (autre culture, évènements particuliers, ...). Le multiculturalisme dans le film parle aussi beaucoup de la manière dont une culture vécue en dehors de la terre d'origine de celle-ci peut être parfois difficile, parfois transformée. C'est aussi un aspect intéressant du film.


Après la projection, le cinéaste Karim Bensalah, nous a expliqué comment il avait réalisé son film, et la signification qu'il a voulu lui donner : la recherche d'identité, les gestes de la toilette des morts, les relations familiales et la manière dont se passe la mort, juste après, pour chacun, sont des aspects qu'il a voulu mettre en avant. La mort n'appartient à personne, et dans une scène importante du film, Sofiane réprimande son collègue qui tente de juger un homme car il s'est suicidé, en disant que la toilette et la sépulture ne pourra pas se faire à cause de ça, et Sofiane va lui demander avec violence qui il est pour juger un autre homme.

Hamza Meziani, qui incarne Sofiane, joue très bien son rôle, à la fois l'homme du quotidien, qui cherche un contrat de travail pour rester en France et renouveler son titre de séjour, et aussi un homme respectueux des traditions avec lesquelles, parfois il n'est pas d'accord, mais qu'il respecte. Jouer cette ambivalence qui permet de bien suivre l'histoire, est important, et je trouve qu'Hamza Meziani l'a très bien jouée.

J'ai beaucoup aimé ce film, le scénario est bien fait, on ne s'ennuie pas. Les images ne sont pas particulièrement belles, mais la manière dont c'est filmé rend les lieux agréables et compréhensibles.

Voici la bande annonce du film :