Film irlandais de Martin McDonagh avec Colin Farrell, Brendan Gleeson, Kerry Condon et Barry Keoghan.

Pádraic et Colm sont de très bons amis jusqu'à ce 1er avril 1923. Colm décide alors de ne plus adresser la parole à Pádraic. Avec un peu d'insistance, Colm explique à Pádraic qu'il est trop bête et qu'il en a assez de gaspiller son temps avec quelqu'un pour faire la conversation. Il préfère écrire de la musique, car après tout, on ne se souvient pas des gens gentils, par contre, on se souvient des compositeurs et de leur musique.

Au début, on se croirait dans une cour de récréation, et deux enfants se font la tête. Mais pour Colm, c'est du sérieux, si bien qu'il décide de se couper un doigt à chaque fois que Pádraic lui adressera la parole ! Cette folie va même loin car il se coupe les 5 doigts de la main gauche, et jette ses doigts coupés sur la porte de la maison de Pádraic, qu'il habite avec sa soeur. Elle essaie de calmer les choses, en vain.

Dominic, que son père bat, tente de trouver refuge auprès de Pádraic et de sa soeur, mais il s'aperçoit que Pádraic n'est pas mieux que les autres : cette bataille avec Colm a rendu Pádraic méchant, il s'en vente, et Dominic ne lui parle plus non plus, de même qu'à sa soeur, avec qui Dominic voulait flirter.

Une femme un peu sorcière ère dans le village et prédit qu'il y aura deux morts d'ici au weekend prochain. Cette prédiction se réalise, avec l'âne de Pádraic qui s'étrangle avec un des doigts coupés de Colm, et Dominic qui sera retrouvé mort dans le lac tout proche. Pour se venger de la mort de son âne, Pádraic décide ouvertement de brûler la maison de Colm ce dimanche à 14h.

Le film montre très bien comment des choses futiles peuvent détruire des vies. Cette bagarre de cour de récréation entre Colm et Pádraic cache d'autres choses plus graves dans le village comme le fait que le policier batte son fils Dominic au vu et au su de tous, sans que personne ne dise rien, c'est très bien illustré dans une scène qui se déroule au bureau de poste, où Pádraic va dire devant celle qui tient la boutique que le policier bat son fils, et il va se prendre 2 coups de poings une fois ressorti. Colm va le ramener chez lui pour l'aider, mais sans lui parler.

Depuis que Colm ne parle plus à Pádraic, ils mettent tous les deux beaucoup d'énergie à aller dans des sens opposés : Colm à vouloir arrêter que Pádraic lui parle, et Pádraic à essayer de revenir dans les bonnes grâces de Colm, au contraire, cela va même envenimer la situation jusqu'à la rendre tragique.

Finalement, la seule personne qui s'en sort, c'est Siobhán, la soeur de Pádraic. Elle reçoit une offre d'emploi et décide de quitter l'île d'Inisherin pour l'Irlande, et ainsi quitter ces querelles de voisinage.

Le film est très beau, avec de magnifiques paysages, à l'inverse de l'histoire.

De nos jours, c'est assez facile de ne plus parler à quelqu'un. Il suffit de le "ghoster" en ne répondant plus à ses messages. Parfois, malheureusement, même si la méthode est plus douce, les conséquences ne sont pas plus gentilles (un mot beaucoup utilisé dans le film : "nice").

Dans le film, on voit cela un peu différemment : on est dans une petite ville, tout se sait rapidement, et ces petites histoires entre personnes peuvent avoir de lourdes conséquences. Aussi, dans ce village, qui se trouve sur une île, il semble qu'il n'y ait qu'un seul pub. Cela signifie que si Colm ne veut plus voir Pádraic, c'est difficile car ils avaient pour habitude de se voir au pub tous les jours, et ni Colm ni Pádraic ne semble vouloir changer ses habitudes, donc ils s'assoient l'un à un bout et l'autre à l'autre bout du pub, mais toujours dans le même pub. Dominic a été exclus du pub pendant un moment, mais il peut revenir à partir du 1er avril, le jour où l'histoire commence.

Le sujet reste passionnant : que faire quand une personne décide de ne plus parler à une autre. C'est un peu, pour Pádraic qui est célibataire, et Colm aussi, il me semble, comme si deux personnes se quittaient, et dans une petite communauté comme celle-là, catholique en plus, c'est difficile. Les raisons sont futiles, une discussion pourrait arranger les choses sans en venir au sang, mais on ne sait jamais ce qui se passe dans la tête de quelqu'un qui a décidé unilatéralement du jour au lendemain, de faire cela.

On pourrait même extrapoler cela à des chefs d'état : parfois, les raisons qui sont à l'origine de conflits peuvent avoir les mêmes racines qu'ici, et des conséquences bien plus grandes, quand ce sont 2 pays ou même simplement 2 groupes qui s'affrontent.

J'ai aussi trouvé intéressant l'échelle des valeurs de Colm : il annonce que si Pádraic lui parle, il se coupera un doigt, ce qu'il fait plusieurs fois, mais au moment où il s'aperçoit que son doigt coupé a tué l'âne de Pádraic, il en est désolé. Il ne voulait pas faire de mal à Pádraic ou à son âne, mais il acceptait volontiers, pour montrer le sérieux de sa démarche, de se couper des doigts. Son intégrité physique est en deçà de la vie d'un animal. Pádraic, pour se venger, brûlera sa maison, l'escalade va très loin, et rien ne dit qu'à la fin du film, c'est terminé.

C'est peut-être l'occasion d'aller chercher la Communication Non-Violente ou une méthode qui aiderait les 2 personnes à résoudre leur différent sans violence. Siobhán essaie de faire la médiatrice, mais en vain, son frère ne l'écoute pas, l'alcool a souvent raison de lui.

Voici la bande annonce du film :